Jeanne Desaubry |
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Terra, morituri te salutant ! Non, non, non, je ne vous présenterai pas de vœux. Quoi qu’on se dise, la crise continuera, larvée, les multinationales mettront toujours le monde en coupe réglée, la Chine et les Etats-Unis s’entendront pour polluer à mort. Alors, « Bonne Année », je veux bien vous le dire, mais ce ne pourra être qu’une formule vide de sens, une espèce de vœu pieux réservé aux crétins qui avancent dans le monde les yeux fermés. J’ai, pour ceux qui croiraient que tout va s’arranger, la même pitié attristée que j’avais déjà, enfant, pour les malheureux imbéciles qui croyaient au Père Noël.
Je préfère vous parler de « La Route ». Vous verrez que ce n’est pas sans rapport avec ce qui précède. Je vous raconte. Soirée sympa, entre copines. Un restau, un ciné. Le restau : japonais. Le ciné… Un UGC. Je sais, je sais, quand on a une salle Arts et Essais près de chez soi, c’est un crime d’aller traîner chez les bouffeurs de pop-corn. Mais, bon, c’est ainsi, horaires, disponibilités ont commandé. Salle vide. Quelques bouffeurs de maïs dispersés, et le film commence. Vous dire que j’ai fait une crise d’angoisse d’une heure cinquante serait peu dire. Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti le besoin impérieux de sortir en cours de film, pour respirer au moins une fois à fond. J’en étais cependant incapable, écrasée par les images et les émotions au fond de mon fauteuil. Quant aux bouffeurs, les « cronch-cronch » ont rapidement diminué de volume avant de s’éteindre tout à fait. Lorsque la lumière s’est rallumée, plus tard, les seaux à mangeaille restaient à demi pleins, et les quelques spectateurs de cette séance nocturne d’un froid lundi ne bougeaient pas. Assommés. Effarés. Un grand black en larmes. Le beur qui avait dragué ma copine, tête rentrée dans les épaules, a marmonné quelque chose sur les films « chelous » que son copain l’emmenait voir, avant de s’enfuir sans demander son reste. Je suis rentrée chez moi, dans ma banlieue vidée par la nuit froide, en surveillant mes rétroviseurs, un œil suspicieux courant les trottoirs et les recoins obscurs. Pourtant, « La Route » n’a rien d’un film d’horreur. Pas une once d’effet spécial, un anti « 2012 ». Presque pas de sang. De la boue, de la cendre, de la pluie, et juste l’errance de deux humains perdus sur une Terre désormais inhospitalière. Le film commence par des lueurs d’incendie dans une chambre. On n’en saura pas plus. Jamais. On ne voit plus, ensuite, que l’effet irréversible du cataclysme qui a frappé. Plus de végétation, plus de vie animale. Le monde construit par les hommes, dévasté, irrémédiablement. Un couple ayant survécu a mis au monde un enfant. Mais la mère est devenue folle de douleur. Elle veut mourir, il n’y a plus d’espoir, aucun avenir. Elle ne veut pas mourir seule, elle veut emmener son mari et son enfant dans la libération du suicide. Mais lui ne veut pas. Il s’accroche comme un fou, veut sauver l’enfant, veut croire qu’un futur est possible. Il lui promet qu’il les défendra. Il fera « ce qu’il faut » même face aux « autres qui les attraperont et les violeront avant de les manger ». Avant de disparaître, la mère délivre son dernier message, au-delà d’un amour désespéré. « Allez vers le Sud, vos ne survivrez pas à un nouvel hiver comme celui-ci ». Alors ils partent, leurs maigres possession réunies dans un caddie qu’ils poussent sur la route, le père et l’enfant. Une arme, un revolver avec deux balles. Les deux dernières, les toutes dernières. Pour « quand il faudra ». Dans le monde anéanti, seuls quelques humains ont survécu. Ils se rangent dans deux catégories désignées de façon simple, simpliste ? par l’enfant. Les « gentils » et les « méchants ». Les méchants sont ceux qui, pour survivre, sont devenus des prédateurs. Les gentils sont leurs proies. La frontière est floue, poreuse, car pour se protéger il faut parfois tuer, et pour survivre, il faut fouiller, fouiller sans relâche les épaves, les maisons éventrées, à la recherche d’une bouchée de quelque chose. Qui est cet enfant, seul espoir du père. Dieu ? Un ange ? Le dernier message d’espoir de la race humaine ? Peut-être juste l’idée que le futur est encore possible. Après la dimension épique, la dimension mystique, habitée, de l’œuvre. Je ne raconte pas la fin. Le film est encore à l’affiche. Allez-y ! Courez-y. À la fin de cette sinistre comédie que fut le sommet de Copenhague, je rêvais d’une salle obscure. J’y aurais enfermé les chefs d’état, ces tristes jouets des intérêts particuliers des lobbys, à la vue courte. Ne voient-ils pas que l’enfer raconté par « La Route » est pour demain ? Je fantasmais : les attacher dans un fauteuil, leur scotcher les paupières, et leur passer ce film en boucle. Voyez. Voyez. Voyez ! Les images de ce film m’ont tant et si fort hantée que dès le lendemain je courais acheter le roman de Cormac Mc Carthy. Je l’ai lu en vingt-quatre heures. Rarement un film m’a paru à ce point fidèle aussi bien à l’esprit qu’à la lettre de l’oeuvre écrite. Et puis, enfin, huit jours plus tard, incapable de m’en détacher, je suis retournée le voir. Cette fois-là, j’ai presque réussi à tenir l’émotion à distance. J’ai pu le voir plus profondément, entrant dans le montage, décryptant certains procédés mis en œuvre pour souligner le caractère effroyable du cheminement raconté. Dans le rôle de l’homme, jamais nommé, Vigo Mortenssen est parfait. Le gamin qui joue à ses côtés n’a qu’un défaut : il est trop dodu pour un semi mourant de faim. On ne pouvait pas lui faire perdre dix-sept kilos, ce qu’a fait Mortenssen, corps exténué, vieilli par la faim, la maladie et le désespoir. Le roman, lu dans sa traduction française, hélas, est incantatoire, les dialogues sans marques de ponctuation soulignant l’aspect fantomatique, déjà irréel, quasi désincarné, de ceux qui prononcent peut-être les derniers mots humains sur cette Terre. Hantée. Les images gravées sur ma rétine. Copenhague. Pauvres fous. Jeanne Desaubry, 25 décembre 2090 Médecin, Légiste et sympa…
Pour la 6ème année consécutive, Hervé Delouche président de l’association « 813 », avait organisé, avec la mairie du 13eme, une manifestation intéressante. « Paris Polar » (Lien en bas de page) Quoi de mieux qu’un vendredi 13 pour aller parcourir nuitamment les allées de Sainte-Anne, cet hôpital où, dès l’entrée, on s’attend à entendre des cris d’aliénés ? Ce soir-là, Hervé Delouche, animait un débat où intervenaient des filles de… télé : Guilmineau et Spreuzkouski (jamais, je dis bien : jamais, je n’oserais nommer ainsi un personnage…) respectivement coupables des scénarii de « Boulevard du palais » et « RIS, Police scientifique, entre autre... » Conclusion avant terme : je ne regarde JAMAIS la télévision et, au moins, j’ai eu hier confirmation que j’ai tout intérêt à ne pas faire violence à cette tendance hygiénique. Il faut avoir entendu Marie Guilmineau expliquer (je résume) que pour faire six millions d’audimat sur TF1 il ne faut pas de gros mot, pas de violence (gratuite) pas de critique sociale, pas d’histoire… aaaarrgghhhh ! Je Le Sa Vais. Sans qu’on me l’ait jamais dit, je le savais. Mais peut-être Hervé l’avait-il fait boire pour qu’elle fasse cet aveu de désamour de son employeur ? Oui ? Non ? Peut-être, quand même, car aussitôt sa voisine (Spreuzkouski) renchérissait ! Pour faire deux millions sur France 2… c’est pareil… Nom de Dieu : jetez vos téloches, y a le feu ! C’est dit, Hervé Delouche les a hypnotisées, soûlées, conditionnées : elles disent enfin la vérité ! Et donc, pourquoi ne regretté-je point malgré tout ma soirée ?
Je ne résiste pas à l’envie de vous en livrer quelques mots, lus en introduction par Hervé et que les amateurs retrouveront page 13 (mais si, mais si…) du dit bouquin (éditions Jean-Claude Gawsewitch – 19€90 – 284 pages)
… « Les sorciers vaudous lisent l’avenir dans les tripes de poulet. Moi, je lis le passé, enfin, j’essaie, dans les entrailles de mes contemporains ». Humour ravageur, conteur à faire pâlir d’envie un one man shower, Michel Sapanet méritait à lui seul le déplacement. Drôle et humain, plein de compassion et de cynisme, sur la défensive et le cœur sur la main… Cet homme ne vous connaît pas vivant. Mais pour peu que vous alliez mourir de façon bizarroïde du côté de Poitiers, il vous connaîtra vite plus intimement que le plus passionné des amants, votre même votre môman… Conclusion vraie: la semaine concoctée par Hervé était riche de bien d’autres choses. J’ai regretté de ne pas être allée à tout. L’hommage à Jonquet, la soirée cinoche, l’expo photo, la soirée Hammet, la signature de Thilliez… La salle était pleine de gens sympas et de qualité : la charmante Caroline Masson (libraire de Terminus polar, à Goncourt) ou Marie-Pierre de Porta (prêtresse des « Comptoirs du noir »). Sans doute d’autres aussi que ma myopie m’aura cachés.
Soldini, reine un peu folle des soirées Marseillaises et Sapanet, roi de pique…
Jeanne Desaubry 14 novembre 2090 http://www.mairie13.paris.fr/mairie13/jsp/site/Portal.jsp?document_id=15684&portlet_id=1899
Quand il n’est pas derrière le bureau de chef de cabinet qu’il occupe à la mairie, Antoine Blocier écrit des polars. Ensemble, ils ont créé une manifestation portée par les associations. L’enthousiasme commun faisait vraiment chaud au cœur, alors que la crise n’en finit pas de grisailler la banlieue. J’espère fort que cette initiative ne sera pas celle d’une seule année parce que j’ai donné rendez-vous à Aissata et Fatou. Elles trainaient entre les tables, avec une petite sœur en remorque. Un peu impressionnées quand même par tous les gens assis derrière de grandes piles de livre. « C’est vous qu’avez écrit tout ça m’dame ? » Il y avait de l’incrédulité, un poil de fronde, un rien d’insolence dans leurs yeux curieux. « Une fois, j’ai lu cinq chapitres d’un livre ! » Elles serraient sur leur cœur le recueil de nouvelles écrites par des enfants de Roissy, classes de zep et de segpa, aidés par trois « vrais » écrivains. « Celui-là, je vais le lire tout entier ! »
Je fais miens ces mots de Fred Vargas, mots qui m’ont trotté dans la cervelle tout l’été, temps d’insouciance et de partage, temps de la joie et des beautés de la nature. Je les ai lus au printemps. En ces temps de pandémie, rendue plus cruelle par la mondialisation, de discussions imbéciles autour de la « taxe carbone » ils sont plus que jamais d’actualité. Je vous les livre.
Nous y sommes.... "Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes. Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières ( la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins. Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, - attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille - récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés). S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie - une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut être. A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore." Fred Vargas
Hosto mouille ses pages au-dessus des chutes du Niagara
Joël Jegouzo pose des questions si intelligentes que la crainte qui m’habite à chaque fois est de ne pas savoir y répondre. A vous de juger… Noir comme polar : Le Sud pour Le Passé attendra, le Nord pour Dunes froides… Grand écart ou changements de lieux imposés par les thèmes abordés ? Pourquoi le Sud dans un cas, pourquoi le Nord dans l’autre, dont, par parenthèse, vous rendez magiquement l’atmosphère ! Genova, ma lieutenante du « Passé attendra » est un personnage pétulant, bouillant, éclatant. Une rousse turbulente. Il lui fallait un milieu à son image. Elle est capable d’affronter à la perfection une fusillade dans un incendie de pinède. Le Sud et les cigales s’imposaient. Martha est une femme contemplative, immobile face au large, dont les émotions n’ont jamais pu éclore totalement, incapable de passer de l’hiver au printemps. La solitude, l’immensité des plages hivernales lui conviennent. Cela permet de laisser toute la place au chaos des sentiments. Les siens et ceux des hommes qu’elle entraîne dans sa folie, quand bien même on pourrait croire qu’elle n’est qu’objet de leur désir. NCP : Dans Le Passé attendra, on avait ce personnage de femme très étudié. Je ne dirais pas, rien de tel dans Dunes froides, mais deux personnages féminins bien différents, dont de nouveau une fliquette - tout en nuances et volonté, l’air de rien -, et Martha, fragile, blessée. J’aimerais vous entendre évoquer ces personnages féminins de votre œuvre : ils débordent de votre affection, mais témoignent aussi d’une urgence à être installés dans une œuvre de fiction policière. Dans « Hosto » mon premier roman, l’intrigue était centrée autour d’un personnage de femme, blessée par la perte d’un enfant, par le harcèlement professionnel, par la solitude. Blessée à mort. Dans « Le Passé Attendra » se font face deux autres figures féminines : la femme qui a tout investi dans sa relation conjugale, et celle, amour perdu très tôt, qui surinvestit son métier de policière. Elle en est distraite par un amour maternel très fort. Dans « Dunes Froides » c’est une jeune femme fragile, dont l’enfance a été saccagée. Elle tente de trouver un sens à son existence au travers d’un amour finalement impossible : son amant n’arrive pas plus qu’elle à se défaire du poids du passé. Mes personnages féminins incarnent tous la même idée d’une féminité sans cesse en danger, vulnérable. Quand j’installe des personnages de policières, dotées des attributs de l’autorité : le grade, l’arme… elles répondent au besoin de dominer cette fragilité, de faire face au monde, monde au genre masculin. NCP : Autour de ces personnages, en filigrane, un thème, qui soit les touche directement, soit les atteint par la bande : celui du vieillissement. C’est quoi vieillir pour une femme, dans notre société ? Est-ce si difficile d’être ainsi placée sous son regard critique ? Est-ce un crime, oserais-je dire, de vieillir quand on est femme ? La vieillesse, c’est la perte : perte de la beauté du corps, perte des illusions. Vieillir c’est se rapprocher insidieusement de la mort. Si cette perte est partagée par les deux sexes, les hommes détestent que les femmes la leur rappellent. C’est pour cela qu’ils changent si souvent de femme à la maturité. Il n’y a pas pire injure que de leur montrer l’inévitable décrépitude. Ils se vivent mentalement fort, jeune, debout, en érection, face au monde. NCP : La fonction du regard, dans Dunes froides, n’est-ce pas aussi celle de l’écrivain « éclairant », informant notre lecture et se jouant de l’éclairage qu’il construit ? Dans « Dunes Froides » les regards se croisent. Le plus important d’entre eux, qui sans doute donne la tonalité la plus sombre, est celle du voyeur. Son regard oblige à sortir du « je » des personnages, que j’ai voulus tour à tour narrateurs. Il donne un éclairage en contre jour où, en tant qu’écrivain, je me cache. Je laisse à mes personnages le soin d’éclairer, ou pas, le lecteur. Il faut qu’il ait la curiosité, le désir, pour dépasser une lecture univoque. Moi, je préfère m’effacer, laisser faire. NCP : Je reviens sur ce thème du vieillissement. Le flasque, l’avachi, le mou, le lâche, etc., contaminent Dunes froides. En lisant les Krakoen, je vois combien ce thème est récurrent. Non pas celui d’une génération d’auteurs « vieillissante », mais d’une génération qui s’avancerait vers cette question sans doute « centrale » de nos sociétés frappées au sceau du « jeunisme ». Est-ce une chose que vous percevez ? Les « krakoen » sont des martiens, longtemps cachés parmi leurs contemporains, qui ne se dévoilent que l’âge venant. Plus que l’âge, ce qui explique leur arrivée dans notre catalogue la maturité venue, c’est l’attente du moment propice. Ils ont engrangé beaucoup, ils ne se sont pas usés la plume à des révérences obligées à diable sait quelles modes littéraires. Leur expérience est riche, variée, leur écriture jeune, leur enthousiasme intact. Ils ne s’écrivent pas se regardant écrire : l’amour, les passions, le moi-moi… Ils se racontent vivant, baisant, riant, buvant. Ils regardent couler le sablier : sans amertume, mais sans beaucoup d’espoir. Notre société, enfermée dans son jeunisme, ne s’intéresse qu’à l’apparence. Cela n’empêche pas que le pouvoir appartienne en réalité à une classe refermée sur elle-même, d’hommes âgés qui n’ont de considération ni pour les jeunes, dont l’image est surtout l’occasion de mercantilisme, ni pour ceux qui ne rôdent pas dans les couloirs du pouvoir. Nous, Krakoen, ne sommes pas beaux ou jeunes, rien de vendable... Nous ne sommes pas non plus dotés du moindre pouvoir. Nous sommes vivants, tout simplement. Encore !
NCP : Dans vos livres, les armes paraissent « encombrantes ». Surtout entre les mains des femmes. Pourquoi ? Les féministes vont me tomber dessus à bras raccourcis… Je supporte mal de voir une femme en arme. Tout en assumant certaines contradictions : l’espèce veut qu’une femme accomplisse son destin biologique en devenant mère. Donner la mort serait donc contre nature… Mais il y a en nous, femmes autant qu’hommes, une fascination pour l’objet « arme » son poids, son odeur. Pour la mort contenu dans sa matérialité brute. C’est pour cela que dans « le Passé Attendra » ma Genova dort avec son flingue sur la table de nuit. C’est son objet transactionnel, son doudou, ce qui lui évite de trop flipper dans le noir. Elle est très macho, d’ailleurs, non ? Je ne suis décidément pas à une contradiction près… NCP : L’univers des hommes serait plus « impitoyable » ? Il est vrai que, statistiquement, le crime est masculin. Et si Martha tue, c’est au fond pour tenter de conjurer une blessure. On ne sait pas si Martha tue… Je ne donne pas cette clef là, même dans les dernières lignes. On ne peut que le supposer tout comme on ne sait pas le sort qu’elle se réserve à elle-même. Par contre, on mesure qu’elle a tout perdu, y compris sa propre image. Il ne lui reste rien. Rien que le vent froid dans les dunes. NCP : Finalement, ils sont nombreux à avoir des choses à se reprocher. Martha aussi, du reste, qui depuis longtemps se sait épiée et n’hésite pas à « se montrer ». Un personnage plus ambiguë qu’innocent, non ? Et seule la fliquette serait exempte d’ambiguïtés, encore que… Ce qui m’intéresse, quand je construis une intrigue, ce sont les personnages. Mieux encore, ce sont les moments, dans la vie de mes personnages, où quelque chose s’enraye, où tout bascule. La faille qui apparait, s’élargit, puis fait tout s’effondrer est dans l’ambigüité de chacun d’entre eux. De chacun d’entre nous… Dans ce roman, une oie blanche n’aurait conduit personne aux paroxysmes dépeints. Martha est belle, et dangereuse, fascinante en raison de la fêlure qui la marque. Comme une porcelaine d’autant plus précieuse qu’abimée. La pression du désir la détruit en même temps que ceux qui la veulent trop. Mon enquêtrice est secondaire, elle n’intervient qu’en contrepoint de la destruction progressive du trio amant – voyeur – femme fragile. Mais elle est là pour faire entrer le réel dans la vie de ces gens qui se nourrissent de fantasmes. J’aime bien cette pète-sec, autoritaire et cassante avec ses subordonnés. Elle supporte à elle seule le poids du monde vrai. Fallait qu’elle soit costaud ! NCP : En fin de compte, vous m’apparaissez plus « noire » que « thriller ». Oui ? Non ? Quel espace cela ouvre-t-il ? Les thrillers me déçoivent souvent, même quand je les lis d’une traite, fascinée par l’intrigue. Je préfère, aux péripéties, le destin des personnages, la texture des émotions. Il y a des tsunamis intérieurs plus efficaces que des bastons, même bien réglées. Le « noir » couvre un champ si large que je ne peux que m’y retrouver. Le noir ! C’est la seule couleur possible… Je veux bien en colorer mes nuits blanches, et même mon horizon… Entretien avec Joël Jégouzo 10 mars 2009 http://www.noircommepolar.com/f/index.php?categ=15
Ils ont lu, ils ont aimé…
Dominique Sylvain, écrivain, pour les membres de l’association 813, février 2009
…Après un incipit violent qui coupe le souffle, Jeanne Desaubry adopte un tempo et une approche dignes de Simenon. Elle fait monter subtilement la tension de ce polar psychologique à l'intrigue impeccable qu'une langue superbe, efficace, maîtrisée, élève à la hauteur d’une tragédie intime. L’analyse des comportements est subtile, comme la distillation des secrets inavouables qui peu à peu remontent au jour. Les personnages sonnent juste, vrai. Une réussite. Magalie Duru, écrivain, critique, 5 février 2009.
Chronique d’une folie annoncée, tout en petites touches, Jeanne Desaubry réussit totalement son coup avec ce troisième roman où elle délaisse le roman policier « classique » qu’elle avait abordé dans Hosto et Le passé attendra pour nous concocter un noir bien noir, vénéneux, une histoire d’amour condamnée dès le début, une histoire qui reste en permanence au bord de la folie, avant d’y plonger finalement. L’écriture et la construction sont parfaitement adaptées au récit, l’alternance des points de vue apporte, petit à petit, les différentes pièces du puzzle, jusqu’au final qui se révèle aussi sombre que l’on pouvait s’y attendre. Une vraie réussite. Jean-Marc Laherrère, critique littéraire,2 mars 2009 sur son blog
Après deux excellents romans qu’on pourrait classer de “procéduraux”, Jeanne Desaubry change de registre et nous offre un suspens d’une rare efficacité. … Jeanne Desaubry signe là un roman noir d’une grande intensité, dont la lente montée du suspens, orchestrée de main de maître, ne laisse aucun répit au lecteur. René Barone, critique, 28 fevrier 2009 Mon polar
L’univers de Jeanne Desaubry navigue du côté de David Goodis et de Simenon. L’atmosphère, l’intrigue, les relations qui se délitent entre les divers personnages, font penser à ces deux grands maîtres du roman noir avec toutefois une touche personnelle, une écriture imagée tout en étant sèche, précise et concise, presque abstraite. … Ce troisième roman de Jeanne Desaubry démontre un réel talent de conteur et de fabriquant d’intrigues qui pourraient s’inscrire dans une comédie inhumaine moderne. Paul Maugendre, critique littéraire, 18 février 2009
C'est à une sorte de huis clos à ciel ouvert que nous convie Jeanne Desaubry dans ce nouveau roman. Sur les plages désertées du Nord de la France, sous les rafales d'un vent glacé, se joue une drôle d'aventure des sentiments. Avec [ses personnages] elle explore le spectre des possibles. Amour, passion, jalousie, attirance, répugnance, trahison, suspicion, domination, fantasme, et j'en pas Patrick Galmel, critique polar, février 2009, sur son site Polarnoir.
Vous allez encore dire que je vois tout en noir. Vœux… bien sûr, mais vœux de quoi ? Santé : les hôpitaux font en ce moment la triste démonstration de leur essoufflement annoncé, pour ne pas parler d’effondrement du système de santé. Paix : Gaza… Irak… Afghanistan…Bombay et tant de lieux, en Afrique et ailleurs… Prospérité : bonjour la crise, merci Madoff et les sub-primes… merci les délocalisations, le chômage technique, le travailler plus pour gagner ? plus ? moins ? Travailler plus longtemps en tout cas. Il nous reste la lecture : des bons romans, aptes à vous offrir tout à la fois bonheur et voyage, rêve et colère, enseignement et espoir. Que cette année vous soit la moins mauvaise possible. Qui dit que la suivante sera tellement meilleure ? Ne lâchez rien. Vous n’êtes pas seuls. Les romans noirs vous attendent.
« Dunes Froides » nouveau titre à paraître très prochainement.
Des nouvelles, des festivals, des papiers, une activité d’éditrice pour Krakoen, tout ça assez intensément pour occuper au moins deux vies. Et je ne parle pas de la vie, la vraie : les courses, les enfants, le travail…Alors ce troisième roman, longtemps porté… Le voici.
Je vous livre sa couverture et sa 4eme :
JD installe un climat angoissant nourri de petits riens, disséquant les amours pathologiques d’un couple. Elle mène son lecteur de chausse-trappes logiques en culs-de-sac. Etonnant récit à contre-pied où la comédie des sentiments est résolument pessimiste. Une écriture épurée, maîtrisée, un thriller sentimental effrayant.
Pour vous, visiteurs, lecteurs fidèles, vous dont la curiosité me comble chaque fois de bonheur, voici le premier chapitre, dans sa brièveté, qui vous donnera tout de suite le ton.
Hiver Quelque part, littoral Nord. Le vieil homme grelotte, des frissons agitent sa peau fripée. Il avance péniblement dans le sable mou. Là-bas, à la lisière des flots, la mer entraîne sa veste rouge, ses vêtements épars. De l’ouverture béante du blockhaus sourd un air glacial, une puanteur d’urine repoussante. L’homme tombe à genoux. Les tremblements qui secouent sa chair nue ne sont pas dus au froid. Tout, en lui, hurle qu’il ne doit pas pénétrer dans l’obscurité béante. - Avance ! Comme il tarde à se relever, le canon d’une arme vient se loger au creux de sa nuque. La voix qui lui ordonne de se relever est calme, plus glaçante que l’arme. - Entre là-dedans. La lumière est pauvre. Elle suffit pour distinguer les détritus accumulés au pied des murs et au centre, un bidon rouillé ; sa base est enfoncée de guingois dans le sol. Au-dessus, presque à l’aplomb, pend une corde à peine agitée par le vent du dehors. Un bout, rongé par les embruns, ayant séjourné longtemps dans la mer, échappé d’un chalut quelconque. Un nœud coulant enfle son extrémité. - Grimpe ! - Vous êtes fou. Vous ne pouvez pas … L’homme sent la pression du canon s’alourdir sur sa nuque. - Tais-toi. Grimpe. Espérant jusqu’au bout trouver quelque chose, incapable pourtant de la moindre initiative, l’homme monte sur le bidon comme on monte à l’échafaud. - Passe la corde à ton cou. Les tremblements de l’homme nu sont convulsifs, son équilibre est précaire. Derrière la silhouette armée, l’obscurité tombe déjà sur la longue plage déserte. Désespérément vide. Malgré tout, malgré lui, l’espoir que quelqu’un survienne. Il ne veut pas mourir.
Parution : Décembre 2008. Editions Krakoën… bien sûr Les photos de littoral sont © de Frédéric Duchesnay.
Il y a eu la rentrée. Des grands, des petits, des moyens aussi. L’été à été pourri. La météo ? Moche. La politique ? Affligeante. Les finances mondiales se cassent la figure avec retentissement. Et l’on feint – avec une outrecuidance suffocante – de découvrir qu’à trop tirer sur l’élastique il vous revient brutalement sur les doigts…On : pouvoirs publics, grandes banques, financiers de tous poils. Déjà que les médias avaient découvert la baisse du pouvoir d’achat ! Je ne vais pas en rajouter sur le couplet défaitiste. De quoi se flinguer ! Et ce ne sont pas les susurrements d’insuffisant respiratoire de la première dame de France qui vont ranimer la flamme. Heureusement il y a la lecture :
A lire si vous voulez en prendre plein la gueule mais en redemander. L’Afrique du Sud décrite avec talent par Déon Meyer est toujours aussi brutale, belle et violente. Désespérée. Heureusement : les auteurs de polars sont là pour transformer une réalité désespérante en œuvre d’art.
Déon Meyer (l’Ame du chasseur, les Soldats de l’aube – Jusqu’au dernier…) Le Pic du Diable Editions du Seuil – Point policiers - 8 €
En Italie, les bandits sont partout. Pour vous parler de la soirée du 17 juin 2008, il me fallait de la chanson italienne, une rose rouge et un verre de Montepulciano. Manque la bougie plantée dans la fiasque habillée de paille, mais tout le reste, même la nappe à carreau, tout y est. En fait, mieux auraient valu un flingue et du whisky… Donc hier, soirée italienne, extraction de la semaine italienne trouvant sa source… place d’Italie, bien-sur (merci la mairie du XIIIème). J’avais eu l’information par Hervé Delouche, ci-devant président de 813, l’association des amis de la littérature policière. Tout y était, en cette agréable fin de journée –19 h 00 -: le soleil, le vent qui faisait claquer les drapeaux vert-blanc-rouge, qu’ailleurs des tifosi devaient agiter comme des fous. Sous une toile blanche, la place d’It. prenait des allures de plage de vacances. On était très loin du match de foot qui drainait la foule. Nous étions pourtant assez nombreux pour manquer de plaes assises.
Etrange contraste entre cette affabilité, sa patience face aux questions, et son expérience de juge, qu’il partage avec nous dans son roman « romanzo criminale » où il raconte la pègre sans artifice romantique, sans complaisance. Ni pour la violence, terrible, omniprésente, ni pour le système qui fait la part belle aux avocats marrons et là encore à la fraude érigée en règle universelle. A sa sortie, je n’avais pas vu le film qui, tiré du roman, porte le même nom. La soirée se poursuivait par sa projection à « l’Escurial ». Lieu charmant pétri d’histoire, cinéma d’art et d’essai, salle de spectacles offrant des ors vieillis et du velours fatigué, pourpre, forcément. Le film, sorti en 2005 adopte un point de vue différent du roman. Bien que de Cataldo ait travaillé à sa scénarisation, Michele Placido, le réalisateur a choisi un autre angle d’attaque. Le destin personnel des protagonistes devient central. On perd de vue la toile de fond politique, malgré quelques copié-collés de scènes d’époques. Rappelons que l’intrigue se situe à la fin des années 70- début des années 80 . L’action s’étend pendant cette période « des années de plomb » qui a vu s’affronter en Italie les violences d’extrême gauche et celles d’extrême droite. La richesse du roman permet d’apprécier tout à la fois la confusion, la barbarie de ces extrêmes et donne une importance bien plus grande à un énigmatique personnage, adepte du chaos, doté de pouvoirs considérables, tout à la fois bras armé et main sale de l’état. Le film donne la part belle aux personnages : les très belles héroïnes, ragazze italiane, l’une démon et l’autre ange (respectivement Anna Mouglalis, la pute et Jasmine Trinca, la rêveuse) et une brochette de beaux males italiens au charme sulfureux. Même le flic Sciaola malgré ses costumes étriqués dégage un charme particulier : c’était ma soirée. Forcément, le beau Kim Rossi-Stuart, en ténébreux impénétrable tenait la vedette. Emois esthétiques mis à part, le film, violent, devrait être projeté dans toutes les classes de France. Dès la troisième. Ne serait-ce que pour montrer où mènent certains choix : l’argent facile, la drogue, les filles, vite, vite, vite. Vivre vite… et mourir aussitôt. Des destins de papillons, sauf qu’ils font des dégâts autour d’eux, terribles, irréversibles, et le désespoir de « le Froid » à la mort par over-dose de son jeune frère Gigio n’est qu’une petite revanche de la vie.
Les deux font un ensemble troublant. Amoureuse des villes d’art de la Toscane, des lumières de la Sicile ou de l’Ombrie, éprise de Rome et de Sienne, je ne connais pas cette Italie là. Elle existe pourtant. Et son caractère affligeant, anti démocratique apparaissait cruellement ce matin, à l’annonce de cette incroyable manipulation du « Cavaliere » qui, d’une escroquerie juridique de plus, se met à l’abri de la justice De Cataldo peut retourner fissa en Italie : ses confrères et lui ont du travail, bien du travail et bien du mérite à continuer.
Car en Italie, les bandits sont partout. Jeanne Jeanne Desaubry, 18 juin 2008.
Il m’arrive de quitter le refuge commode de la toile et d’abandonner mon écran pour me rendre au devant des lecteurs dans les salons.
Peut-être vous êtes vous déjà demandé ce qui passe dans la tête d’un de ces auteurs assis derrière sa table, opportunément réfugié derrière le rempart de ses livres ? Jan Thirion, auteur talentueux, drôle, parfois grinçant, parfois drôle, étonnant, original et bien plus que tout ça encore le raconte bien mieux que je ne saurais le faire. Extraits d’un compte-rendu de festival à lire en entier sur
Oiseaux noirs de passage, extraits
… Observation. Certains officiels ne portent pas les lunettes adaptées à leur vue. Ils n'arrivent pas à détecter les auteurs minuscules afin de les saluer…. Si écrire rend fou, les invités savent ne pas le montrer. Certains visiteurs n'ont pas cette capacité. Par salon, il en est un, en moyenne, qui, sans un regard pour mes livres, m'interroge pour devenir écrivain. L'apprentie du jour veut des tuyaux sur la forme et le fond, la présentation, les éditeurs. Elle écrit sans arrêt depuis toujours et, preuve que son travail en vaut la peine, elle fait lire des extraits de sa prose à son psychiatre qui trouve ce travail tout à fait remarquable. Autre extraterrestre un peu plus tard. Un garçon d'une dizaine d'années, roux, que je n'ai pas vu arriver, demeure raide et immobile au-dessus de mes livres. Seuls ses yeux comme des calots scrutent longuement chacune des illustrations à tour de rôle. Le corps et la tête à peine penchés en avant ne bougent pas. A croire qu'il parvient à lire à travers les couvertures. Je ne dis rien par crainte de le gêner dans son numéro de spiritisme. Plus drôle. La famille bonnet. Enfants, parents, tous bonnets vissés sur la tête, uniquement intéressés par un livre d'images présenté par ma voisine. Les enfants ne lisent plus, s'étonne la maman bonnet, alors que papa bonnet joue à la poule avec bébé bonnet dans sa poussette. Les parents devraient montrer l'exemple, je dis. Papa bonnet sourit. Autre costumé. Un vieux monsieur en panoplie jaune et noire de cycliste professionnel, casque et gants compris, mais sans vélo, fait le tour du salon. Il regarde. Il n'a pas un rond, à part les roues de sa bicyclette à l'extérieur. Il est pressé. Il s'en va. Est-ce le même ? Je n'en sais rien. Plus tard, déboule un autre vieil homme, cette fois avec Stetson kaki sur la tête. En arrêt devant ma table, je lui demande ce qu'il cherche. Il ne s'intéresse qu'aux livres sur la guerre. On voit immédiatement qu'il a envie de nouveau d'en découdre en balançant sur un ton péremptoire sa colère contre le prix du livre : vous (les écrivains), vous n'êtes pas des philanthropes ! Je lui rétorque : mais, monsieur, c'est la guerre. Sur la feuille où je prends mes notes, je conçois le plan d'une grosse tapette à mouches pour chasser les groupes de personnes qui stationnent devant ma table et conversent. J'en profiterais pour faire fuir également, à certaines heures, les queues d'enfants et de parents qui se créent devant moi pour la voisine [qui écrit des livres jeunesse]… Mais, revenir dans un salon permet de retrouver des lecteurs qui ont choisi l'un de vos romans une première fois et qui tiennent à poursuivre un bout de chemin avec vous. Ils en prennent un second. Petit bonheur de celui qui doute. Tout comme le fait de signer un livre à un auteur confirmé dont vous avez éveillé la curiosité. Enlevez le style, le travail et les afféteries, me dit une vieille dame, il reste le suc, la vérité d'un homme. Elle me parle d'un manuscrit retrouvé de Camus, la première version de sa première œuvre. Tout y est, clair, sec, direct, bouleversant. Si vous enlevez ses diables de l'œuvre d'un auteur dont je ne capte pas l'identité, que reste-t-il ? Une deuxième passante se mêle à la conversation. Une minute suffit à prendre une leçon de littérature. Le style, ce serait les plumes. Les diables, ce qui permet de voler. Poignée de livres sur le cœur pour ceux qui n'ont pas terminé leur marché ; sac de papier solide, extensible, à la main, de ceux qui ont déjà payé, mais veulent encore prolonger le rêve ; tous, la satisfaction dans le regard, ils sentent l'appel du large les titiller. Les lecteurs aussi doivent migrer, partir, on le sait, dans les lointaines contrées de l'imaginaire et de la réflexion. Se donnent-ils le mot, mais, à la nuit tombée, ils vident les lieux, ils se dispersent. De retour aux écritures, j'entends le vol soyeux de certains passer au-dessus de mon épaule. Jan Thirion22 janvier 2008 Auteur de, entre autres, Ego Fatum, Mikko ou encore Rose Blême aux Editios Krakoen. On retrouve Jan Thirion sur son site : http://thirion.free.fr/
Je ne vous ai même présenté mes vœux ! Je manque à tous mes devoirs. Mais non, allez, ce n’était pas une brusque distraction. Je n’aime pas ce passage obligé. Vous ne venez pas sur ce site pour voir s’agiter des clochettes qui vous susurreraient des « Joyeux Noël » et autres « Meilleurs Vœux ». Par contre, je vais vous donner un bon conseil. Sauf à détenir un pouvoir d’achat stainless steel vous pourriez avoir du mal à vous offrir de longs voyages cette année. Auquel cas, allez donc faire un tour sur mes notices de lecture. Vous y gagnerez un billet gratuit (presque, le prix de trois bouquins de poches, c’est à dire l’équivalent d’une mauvaise soirée UGC avec sonorisation pop corn) pour un dépaysement total. Indridason, Arnaldur, islandais, je suis d’accord, il vaut mieux noter. Landes désertiques, et rythme immémorial du passage de l’hiver pour un flic solitaire et parfaitement désespéré. Et si au contraire vous avez de quoi vous offrir un long courrier, ces trois livres ne vous alourdiront guère et vous feront oublier les trous d’air.
Villard, marqué par le jazz, qui fait swinger des histoires douloureuses et brutales. Pouy, inégalable pour introduire l’humour dans les situations les plus sombres. Entre coup de pétoire et bacs à légumes étrangement farcis, chien voyeur et vache philosophe, un assaut de virtuosité littéraire qui fait une fois de plus la preuve que le noir est bien la plus belle des couleurs. Pour en finir avec l’année 2007, la ranger au placard dans du papier de soie, je n’oublierai pas le plus beau des rubans : vos presque 6000 visites l’an dernier, de tous les coins du globe, avec une fréquentation nord américaine assidue qui me laisse baba. Merci de vos passages, de vos commentaires (n’hésitez pas). C’est pour vous que j’écris, et mon plus grand bonheur est là. Je vous offrirai bientôt quelques pages de mon prochain roman « Dunes froides ». Sortie prévue… en 2008. Balistique du désir Max Obione Deux enfants cherchent le moyen de se débarrasser du nouvel ami de leur maman qui en change souvent… Un fils renégat est acculé à tuer pour prouver l’immensité de son dévouement filial… Un éminent lettré hait son épouse souffrant très opportunément d’apnée nocturne… Une psychiatre se laisse happer par la fascination pour un patient serial killer et écrivain …Un brave proxénète, bon époux, se découvre sur le tard une ambition qu’il va regretter amèrement… Un privé malade partage l’agonie d’un coléoptère… Les nouvelles de Max Obione nous content un monde amer et violent dont l’âpreté se teinte, pour le sauver, d’une improbable poésie. Le lecteur se trouve peu à peu envoûté par des monologues intérieurs dont le rythme évolue subtilement, de l’extrême cruauté à la plus exquise des délicatesses. L’écriture se renouvelle à chaque fois pour faire de chacun de ces textes un bijou aux reflets très sombres. Dans ce recueil, on retrouve avec bonheur le talent qui a fait d’Amin’s Blues un roman profondément singulier. Baslistique du désir peut se commander chez n’importe quel libraire ; s’il vous dit le contraire, changez de librairie ! En ligne chez les grands distributeurs, ou mieux encore sur le site des éditions krakoen : www.krakoen.com. 252 pages ; 21 nouvelles ; 13 euros. Le recueil est préfacé par Marc Villard. Très belle couverture de Joe Pinelli. On a les monstres qu’on mérite…
16 Octobre 2007« Serial killers ». Les nouveaux monstres ? Un partenariat Culture 2013, association Ciné 13, le site « Noir comme Polar » et 813 Animé par Hervé Delouche avec Stéphane Bourgoin et le Dr François Caroli, psychiatre à l’hôpital Ste Anne. La mise en condition, c’était dans doute l’entrée dans l’hôpital Ste-Anne et le mystère permanent de ses grands murs qu’entourent des rues tranquilles dans le 13eme. Stéphane Bourgoin parle tranquillement. Il prévient. « Les hommes que vous allez voir dans ce montage sont en prison pour la vie. Ils ont tué, à répétition, pendant des années, avant de se faire prendre dans le cas du premier, ou de se rendre pour le second. » Ed Kemper « l’ogre de Santa Cruz » qui associe le meurtre de ses proches, celui d’étudiantes qu’il ne pourra jamais approcher dans la vie, et le cannibalisme. Gerard Schaeffer, ancien shérif, soupçonné d’avoir tué 34 fois, condamné seulement deux fois, les preuves certaines faisant défaut. Mort en prison, après plusieurs années de détention, de 40 coups de couteau pour une banale dispute. La salle pleine est attentive. Qui, parmi ceux qui l’ont vu, oubliera Schaeffer se léchant les babines en parlant des victimes qu’on lui attribue mais qu’il n’a pas tuées, bien-sûr ? Quand la lumière se rallume, ouf ! Sous le choc. Il faut un temps pour se réhabituer à la lumière et on retombe dans la normalité avec soulagement. L’intérêt de la soirée se renforce des commentaires du Pr François Caroli, psychiatre à Ste-Anne. Les deux hommes, chacun éminent dans sa spécialité, échangent, complètent, et construisent pour la salle concentrée une conclusion qui est bien ce qui fait le plus froid dans le dos. Non, ces tueurs ne sont pas des monstres. Ce ne sont pas même des malades au sens habituel du terme. Seulement des hommes. Les circonstances, alliées à une disposition à refuser le poids de la société, de ses règles, et l’incapacité à en accepter le regard, les ont menés à des limites extrêmes. Psychopathes, pas psychotiques. Fruit vénéneux d’une société malade ? Hervé Delouche a mené cette soirée avec brio. JL Touchant, au premier rang, nous faisait le plaisir de sa présence. Dans la salle, ziennes et ziens étaient tout ouïes. Une solution pour ressortir affronter la nuit parisienne, tiède mais obscure. Oublier que tout cela n’était pas de la fiction. Stéphane Bourgoin, lui, ne l’oublie jamais. Y a t-il beaucoup de libraire en France qui dispose d’un permis de port d’arme ? Ce matin, qui vous tire des vapeurs confortables d’un bon café : cette information entendue sur France-Inter, en contrepoint à cette soirée. Michel Fourniret demande à s’entretenir avec la famille d’Estelle Mouzins. Oui, Stéphane Bourgoin a raison. Les « serial killers » sont américains. La France, l’Europe a des tueurs en série. Ils ont en commun le sadisme et l’appétit de la manipulation : des médias de la justice, et des victimes. Hier soir, aussi effrayant que ce soit, ce n’était pas de la fiction.
Autres soirées du 4eme paris littéraire polar : Film-Polar débat signature le 15/10, littérature criminelle le 17/10, (JH Oppel, Cary Ferrey, Jake Lamar, Eric Halphen) ; et rencontre avec Jacques Tardi le 18/10.
Dehors, la lune presque pleine encore, étalait un regard blanc assez féroce sur la banlieue, amenuisant les lumières orangées des voies rapides. La grande salle de la maison des arts de Créteil était glaciale. Le nappage des lumières la transformait en prolongement d’une forêt d’automne, du lac au bord duquel elle est posée. Sur la scène, noire, un piano à queue, noir, un micro sur son pied. Puis vient Buika. Noire aussi. La femme qui a chanté pendant une heure est stupéfiante. C’est une sorcière vaudoue, une gitane déchirée, une amoureuse tendre. Sa voix pourrait appartenir à une vieille gitane, à une chanteuse de blues américain, à une héroïne d’Almodovar. Elle passe tous ces registres, les malaxe avec une fureur joyeuse. Il y a des moments où ses racines africaines sont évidentes, puis non, puis elle clape et le flamenco est de retour avant qu’elle ne se mette à scater avec une force incroyable. Elle chante de tout son être, engagée dans ce qui est manifestement vital pour elle, et finit par vous choper aux tripes. Stupéfiant. La salle n’était pas plus chaude, mais l’ambiance si, au bout du show dont la sobriété est magique. La musique réduite à elle-même, sans les flonflonss et paillettes, ah… S’il fallait garder un souvenir : a capella et sur rappel, « Avec le temps » de cette voix brûlée de passion, en espagnol. Frissons ! On peut écouter, lire et voir Buika sur son site. Avis de naissance :
Le voici. Il est beau, n’est-ce pas ?
Que pouvez vous bien imaginer en découvrant cette couverture ? Un drap, c’est un lit. Promesse de volupté, surtout avec ce joli bras fin, cette main aux ongles vernis. Evidemment, il y a l’arme. Qui refroidit les ardeurs. Gen est ainsi. Genova Vuibert, tendre et teigneuse à la fois, vulnérable, batailleuse, têtue et fragile en même temps.
Je vous livre la 4eme de couv.
« Genova Vuibert, lieutenante de la Crim', vient témoigner dans un procès d’assises à Draguignan. Elle compte mettre à profit ce déplacement pour s’adonner à un farniente bien mérité. Le « Mas des oliviers », une auberge de charme dans l’arrière pays de Bandol appartient à de vieux amis. Hélas ! Dans ce paradis terrestre, le serpent ne tardera pas à siffler la descente aux enfers. Gen n'avait prévu ni de se laisser séduire par une strip-teaseuse, ni de risquer sa vie dans l’espoir de sauver celle de sa fille, encore moins d’affronter la mafia, arme à la main, ni enfin d’endurer la trahison d’une amitié. Dans une Provence en proie aux incendies, elle est devenue la cible des parrains du crime. Marc Perrin, son collègue dépêché spécialement de Paris, tentera d'éteindre les flammèches que sème l’impétueuse Gen Vuibert. »
Si vous commencez à sentir votre curiosité s’éveiller, allez lire le premier chapitre.
Pour faire l’acquisition de « le Passé attendra » , c’est tout simple, comme pour son petit frère, « Hosto ». Aller sur la page romans, cliquer sur la couverture. Vous avez le choix de le commander directement à l’auteur, ou chez l’éditeur, ou encore, chez n’importe quel libraire un tant soit peu curieux, chez les vendeurs en ligne etc… Les moyens ne manquent pas.
Aux éditions Krakoen toujours. Pourquoi aller chercher ailleurs alors qu’on y est si bien. Humeur, humeur chagrine.
C’est fatigant une campagne électorale. Notre nouveau président inaugure son quinquennat en prenant quelques jours de vacances bien méritées. C’est dommage qu’il ne le fasse pas tranquillement chez lui. Le splendide yacht, non, je reprends, le yacht super luxueux qu’il occupe (jacusi sur le pont, et tutti quanti, je vous recommande la visite du site ci-dessous) lui a été prêté par un ami. Le même ami a eu la bonté de lui prêter son jet privé pour aller rejoindre le bateau. Normal, entre amis…
Je ne suis pourtant pas jalouse de ces deux hommes, du luxe dont ils ont déjà profité. De celui dont ils vont continuer à profiter, évidemment. Etre redevable à quelqu’un de faveurs n’est en soi pas dramatique. Mais ces deux hommes-là ne s’appartiennent pas. Ils ont brigué la plus haute place, celle de représentant de tout un pays. Il est moralement condamnable de leur part d’être redevable, même à titre privé, de quoi que ce soit. Car c’est le peuple tout entier qu’ils rendent redevable au travers d’eux. http://www.yachtchartersdeluxe.com/paloma.htm
Sur ce je retourne à Bandol. Plus vite qu’en jet privé ! J’y serai le temps d’ouvrir le fichier du dernier chapitre de mon prochain roman « Le Passé Attendra » qui se déroule sur la côte provençale. Où une femme teigneuse, seule, affronte la mafia et les services pourris d’une justice dépassée. Toute ressemblance etc…
Salut citoyens lecteurs ! Un autre jour je vous parlerai de « Bitterroot » excellent dernier roman de James Lee Burke. Lectures noires de vacances sans soleil. Pas de vœux pour mes lecteurs. Pas que ça fasse ringard, mais enfin, il est déjà bien tard pour ça… Et puis quoi leur souhaiter à part… des lectures qui leur conviennent ? En tout cas, voici les miennes, les dernières en date, la rafale offerte par le no man’s land des fêtes (ah, finalement on y revient !)
Il y a eu Graham Hurley « Les Anges Brisés de Somerstown »Cadeau d’amitié lu avec plaisir, il m’a été offert par un collègue Krakoen parce que mon enquêteur « d’Hosto » lui avait fait penser à l’inspecteur Faraday de Hurley. Un type bien ce Faraday, qui s’efforce de faire face aux difficultés du métier dans une société (province écossaise) qui fout le camp plus vite que ses idées n’ont envie d’évoluer. Pourquoi, comment une ado de quatorze ans peut-elle finir au pied d’une tour de vingt-trois étages, bourrée de médicaments et d’alcool, enceinte et visiblement désespérée ? Est-ce un meurtre, un suicide ? Le destin sera encore plus cynique que ça … Hurley écrit avec visiblement une grande tendresse pour ses personnages. C’est bien traduit, il pleut autant qu’on veut (n’oublions pas: c’est l’Ecosse) et il règne sur tout ça un climat mi-désespéré mi-humaniste dont le mélange surprenant est à la fois so british et très universel. Je reprendrai donc une tasse de thé et m’en irait pérégriner du côté des autres Hurley un de ces quatre.
Un cocktail heureux de style et de talents qui construit une ambiance noire à souhait. Lisez-les en « aveugle » : les amateurs y ont autant de plume que les pros ! Voilà qui prouve l’excellence à la fois des participants au concours et du jury. Je ne balance de fleurs à personne en particulier et n’attend aucun renvoi d’ascenseur (je dis ça parce que si des fois il y en avait des ceusses qui croyaient …). Une mention particulière pour le professionnalisme et l’allure du recueil : on est loin des tirages bricolés de mauvaise qualité.
Bon, disons le tout de suite : Jan Thirion, est, comme moi, bichonné par Max Obione qui l’a accueilli dans sa coopérative. Sauf que contrairement à moi, il le mérite. Je me suis vraiment interrogée : je n’ai trouvé aucune mauvaise raison pour ne pas vous dire qu’il faut absolument, toute affaire cessante, courir acheter ce bouquin (profitez-en pour acheter le mien, « Hosto » il n’est pas si mal finalement …). Tant que vous y êtes, faites le plein et achetez le précédent de Thirion « Mikko » fable délicieuse, noire à souhait, mi-polar, mi-fiction, qui laisse en tête une petite musique grinçante. Ego Fatum mérite le détour. Son flic est une catastrophe ambulante, le genre dont on souhaite surtout ne pas devenir l’ami ou alors s’il est trop tard, qu’il perde au plus vite notre numéro de téléphone. J’aime beaucoup le style de Thirion, économe d’effet, mais plein d’efficacité. Il vous embarque l’air de rien dans un sacré toboggan et le seul regret c’est quand ça s’arrête. Tout commence et tout finit avec une araignée qui sème la panique. Sans compter la poisse qui a élu domicile sur les épaules d’un flic abruti par les médicaments depuis une agression subie quelques jours auparavant. C’est à hurler de rire, sauf qu’on regarde soigneusement derrière sa porte avant d’éteindre la lumière le soir, des fois qu’une araignée s’y cache …
Autre Krakoen Boy : Zolma « Croisière Jaune »Je promets que ceci n’est pas un placard publicitaire, mais véritablement le reflet de ma triste manie de perdre du temps à lire. Zolma a inventé une fille tout aussi calamiteuse que le flic de Thirion. Une privée, Lily Verdine, trotskiste de cœur, pas très douée pour les amours ni pour les affaires.
Zolma mettrait la dernière main à un autre volet des aventures de sa Lily m’a dit mon petit doigt. Ah ! ces auteurs Krakoen quel talent !!
Et pour la bonne bouche, Voilà : veni vidi et vicitOui, je l’ai lu et j’ai rendu les armes à un maître es plume. Jonquet Thierry, Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte. Au Seuil.
Je ne suis pas agrégée de lettres et je ne vais pas vous en faire des caisses sur l’aptitude à garder un ton commun à un tout un ouvrage tout en personnalisant à l’extrême dans le monologue intérieur ou le dialogue. Ce livre m’a secouée parce qu’il m’a ramenée à toutes mes émotions, où le désespoir impuissant prédominait, pendant les émeutes de décembre 2005. Je fonctionne, on l’aura compris, essentiellement à la sensibilité. Je ne construis pas de discours de politique théorique, je m’efforce de respecter mes convictions, je démarre à l’affect, ne supporte ni l’injustice ni le mépris, et j’ai donc dû me résigner à être regardée avec condescendance par bien des machos (de tous bords) intellectuellement couillus. Je crois que Jonquet dessine avec ce roman un moment particulier de notre société. Les biens pensants de droite et de gauche n’avaient pas vu monter ce désespoir, fait des rejets d’un système où l’on met à la poubelle tout un tas de gamins dès l’école primaire. Où l’on prive leurs parents de travail et de dignité, où l’on tire la chasse sur un tout un tas de valeurs en les remplaçant par l’ineffable vulgarité de la télévision et son torrent d’obscénités publicitaires. Si Jonquet décrit un islamiste radical en chemin vers le terrorisme, il ne dit pas que tous les musulmans le sont. S’il parle d’un islamisme qui se radicalise c’est aussi parce que c’est vrai. Toutes ces gamines qui se voilent, cela me fend le cœur. S’il raconte le dérapage d’un gosse désespéré, il dépeint bien les circonstances particulières qui l’ont conduit à son dérapage. Que des gamins qui vivent dans un communautarisme de plus en plus exacerbé à deux pas de nos centres villes confondent juifs et sionisme, quoi de plus tristement logique ? Fallait-il ne rien en dire parce que c’est politiquement incorrect ? Jonquet écrit sur les jours d’aujourd’hui, sur sa vision propre de son époque, et je trouve ses personnages extrêmement convaincants, émouvants, tous, de la jeune prof au moindre des flics qui passe, des élèves à la documentaliste … Je n’ai lu ni discours facho, ni mépris, ni dérive droitière ni … Rien de ce qu’y ont vu certains. C’est la magie de la littérature non ? Faut-il tuer Harlan Coben, alors ?
Bouh, le vilain mot. Ben, oui, mais ma p’tite dame, faut que tout le monde vive, non ? Alors, j’insiste. Faut-il le tuer quand même ? Bien qu’il fasse le bonheur de ses lecteurs, de ses éditeurs, des éditeurs ayant acheté les droits de traduction en France ? P’tet ben que oui, p’tet bien que non ! Le tuer non. D’accord. C’est barbare, et sans doute un peu excessif. Il faut reconnaître ce qu’il en est. Voilà tout de même un type qui sait y faire. Je vous promets. Prenez n’importe lequel de ses bouquins. C’est pesé, posé, agencé, bien construit, pas de trou, le suspens, le rythme… Tout y est ? Le langage ? Un peu fade et un peu formaté, OK. Les personnages ? Sympas mais un peu convenus peut-être ? Hmm ? Vous chipotez, vous chipotez … Alors qu’est-ce qui ne va pas, vraiment, qu’est-ce qui fait que vous refermez le livre avec une déception ? Finalement, ce n’était que ça ? Alors que pendant les trois quarts du bouquin, vous haletez ? Est-ce que le Harlan aurait fini par ne plus y croire lui-même ? Qu’il n’y mettrait plus de feu ? Est-ce tout simplement cette réalité de l’Amérique moyenne dont on est saturé, qui manque tant de parfum, de fantaisie, de drôlerie ? Oui, c’est ça. Sûrement même.
Tiens, juste après
« Une chance de trop », titre original « no second chance »
(ça c’est chic !!) que Après un Coben formaté comme une pub, ou une série bien ficelée, quel bol d’air, quel plaisir, quel soulagement. Merci m’sieur facon. J’ai passé un bon moment, et je vais vous ranger dans ma galerie de chouchous. Et je vendrai mon Coben à la prochaine brocante tandis que je vous rangerai sur mes étagères. Ou je vous perdrai parce que je vous aurai prêté ?? Ouais, sûrement ! J’en ai plein comme ça en ballade. Des livres amis en promenade.
Les Anges ExterminateursCe n’est pas pour la ramener, et j’ai assez répété que je ne suis pas du tout une nénette tendance, mais j’ai vu «Les Anges Exterminateurs » avant tout le monde. Enfin, tout le monde hormis les critiques, les journalistes et le tout Cannes … Et pourquoi cela donc ? Un hasard. Heureux hasard qui m’a valu de me trouver dans la salle du Champo, face à Brisseau et aux trois actrices du film, deux jours avant la sortie parisienne officielle. C’était il y a déjà plusieurs semaines. Et pourtant … Monsieur Brisseau, quel ours étrange, quel ogre mystérieux vous êtes. Les images de ce soir-là sont imprimées sur ma rétine, et les questions qu’elles posent ne sont pas près de trouver des réponses. L’histoire est celle d’un homme fasciné, comme lui, par l’énigme que représente à ses yeux le plaisir féminin, à qui cette fascination n’apporte (comme Brisseau toujours) que douleurs et destruction. Brisseau filme le corps des femmes, le plaisir des femmes, comme un mystère liturgique. « Les Anges Exterminateurs » dérange parce qu’il montre des femmes enivrées jusqu’au vertige par la fascination qu’elles exercent sur un homme qui pourtant se refuse à leur pouvoir. Parce qu’il dévoile de manière impudique d’intimes secrets. Mais aussi, il émeut par sa beauté plastique, il impressionne par une construction poétique originale, subtile, surréaliste. Et les actrices … émouvantes, fragiles comme des lames effilées et mortelles. L’ours Brisseau est-il un ogre ?
Brisseau est un artiste vivant qui souffre et vit son cinéma, dont le cinéma est la vie, passée au tamis de son talent créatif. Est-ce une excuse ? C’est une explication. Mais si on ne discute pas une décision de justice, on devrait pouvoir avouer son effarement devant les réquisitions, non ? « …Le 3 novembre, lors de l'audience, la procureure, Mme Renaud-Varin, avait requis une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve et d'une obligation de soins, ainsi que 30 000 euros d'amende. …» (le Monde 16 décembre 2005) Une ! Obligation ! de Soins !…Tant que vous y êtes, envoyez-y aussi Godart, Dali, Picasso, tous ces fous, même s’ils sont morts, vite, et bien d’autre. Ils dérangent l’ordre établi, la bienséance, et se comportent mal. En 1857, M Pinard (ça ne s’invente pas), avocat impérial, stigmatisait chez Flaubert « l’offense à la morale publique et catholique » que représentait « Mme Bovary » et clamait, « ..l’art sans règle n’est plus l’art …» Flaubert fut acquitté, et Brisseau, bien que condamné, n’a pas été envoyé de force chez le psy. Les réquisitoires ne sont pas toujours suivis … Parler de sexe quand la pornographie télévisuelle la plus vulgaire inonde le quotidien reste donc un bien grand désordre pour la société …
Après la sortie d’« Hosto » (Lens, salon du livre policier, avril dernier) il y a eu quelques articles sympas. Des gens qui avaient aimé un ton, qui avaient aimé les personnages, qui étaient entrés dans l’intrigue. J’ai eu la faiblesse de les croire, et le cœur de la Jeanne était plein de plaisir (encore ma modestie, pour ne pas dire ma pudeur, m’interdisent-elles de rentrer dans le détail des louanges). J’attends encore la descente en flammes, le coup de poignard, le croc en jambe dans les escaliers qui viendraient sanctionner ma rentrée dans la cour des grands. Je suis certaine qu’un grincheux, quelque part, s’apprête à mettre fin à mon attente. Alors je continue à me réjouir. Le Havre, 1er et 2 juillet 2006. Polar à la Plage, le bien nommé, installe ses toiles de tentes sur la grande digue du Havre. Des auteurs en vrai (des Pouy, des Amoz, des Daeninckx …) accueillent le promeneur. Dès le samedi après-midi, j’étais parmi ces grands, toute petite derrière le stand Krakoën. Joyeuse, je vous le promets, le lendemain quand ma nouvelle « Maman sait faire du bon café » a reçu le second prix du concours organisé pour l’occasion : Prix spécial des Industries du Havre … Tout un programme. La photo en témoigne : temps radieux, canicule, tout le monde dans la mer …sauf ceux qui signaient leurs livres. Tout bonheur … Hosto continue sa petite vie, je continue à écrire mes histoires. Dans l’esprit des Français la canicule prend plus de place que la guerre, là bas, et malgré le soleil je trouve le monde noir, noir noir … Contradictoire la Jeanne ? ben ouais … N’est pas à ça près cette fille…
Cet été cette rubrique prenait des allures de faire-part de décès avec la disparition de quelques grands noms. Deux Ed : McBain et Bunker avaient pris la tangente. Ce n’est pas parce que je crois que Jeanne Desaubry serait en passe de devenir un grand nom, mais je suis de ce fait d’autant plus heureuse de vous annoncer une naissance. Ou plutôt une renaissance. Haines Hospitalières a vécu, mais tel le phénix, le voici ressuscité. (Je sais qu’on approche de Pâques, mais je préfère la référence au phénix…) De rencontres
virtuelles en échanges de liens puis de textes, j’ai noué un nouveau fil avec
les Je serai à Lens pour le festival du polar (7, 8 et 9 avril prochains) et poserai « Hosto » sur les fonds baptismaux. Le bonheur de la dédicace … Peut-être qu’à la quinze millième je serai blasée, mais pour l’instant c’est tout bonheur. Allez retrouver « Hosto » sur la page roman du site. Vous pourrez même en faire l’acquisition. Il est beau, il est beau mon « Hosto » … Un lien ici pour le programme du festival de Lens http://polarlens.avenueduweb.net/ un autre pour Krakoen : http://www.krakoen.com/
Les chemins du net sont parfois des sentiers tortueux, qui se tortillent et s’emmêlent. Il y a des toiles solides et organisées. La mienne est un petit tricot mal fichu plein de trous avec des mailles ratées … mais le fil ces jours-ci a la douceur de la soie, et j’aime à le poser à même ma peau, presque aussi doux qu’une caresse…
Good Night, and Good Luck! Une histoire vraie, mais une belle fiction.
En vrac des impressions : dans la salle sombre, ces images fantomatiques, en noir et blanc, n’ont rien de ces livres de photos bien léchées qui décorent le salon et tentent de démontrer, malgré le canapé acheté chez « confo », qu’on a une âme d’artiste. (Les bobos, c’est plutôt chez Roche et Bobois, et en plus, ça chagrinera moins de lecteurs) L’atmosphère saturée de fumée de cigarettes est irrespirable. Pas à cause du tabac. Non. Bien plutôt à cause de l’ambiance d’hystérie générée par un cinglé : Joseph McCarthy, sénateur du Wisconsin.
Nous sommes en 1953. Il est exclu de conserver un emploi dans n’importe quelle administration, à la télé, dans un journal, et même dans beaucoup de grandes boîtes privées, si on a un jour été abonné à un canard gauchisant, ou assisté à des réunions. Ou même eu un conjoint ou un ami qui … Edward Murrow (excellent David Strathairn) est journaliste à CBS. Fred Friendly (Georges Clooney) est son producteur. Ils vont secouer des années de chape de plomb et contribuer à la chute de McCarthy. Le film repose sur la prouesse que représente l’opposition à cette dictature. Personnages vrais, histoire vraie, mais belle fiction. L’évocation des années 50 est une réussite. Le canapé de la salle d’attente du patron de CBS, sa plante verte, l’incroyable secrétaire et ses bas à varices nous rappellent combien l’époque a changé. En bien ? Pas sûr, si l’on se réfère au discours d’Ed Murrow et à l’idéal qui était le sien quant aux devoirs de la télé.
Une mention toute particulière sur le jazz et la voix de Diane Reeves qui veloutent le film. La bande sonore est audible sur le site du film. Evidemment le propos est autre que de rappeler un épisode peu glorieux de l’histoire des Etats-Unis. Monsieur Clooney serait-il un de ces éléments subversifs qui critiquent le Patriot Act ? On dirait bien, Mister Bush, on dirait bien …Cet homme là semble rêver d’une Amérique pas entièrement repliée sur elle-même, tétanisée dans l’attitude peu glorieuse de la peur, avec pour corollaire l’agressivité que certains appellent courage ou patriotisme… Good night, and good luck! …ce souhait est mien aussi et je vous l’adresse. Nous avons tous besoin de chance. Article sur les agissements de McCarthy : (http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_MacCarthy) Site officiel du film : http://wip.warnerbros.com/goodnightgoodluck/
Il y a d’abord Match Point cette magnifique image sur papier glacé de la bonne société britannique : loge à Covent Garden, chasse à la grouse, fric et bonnes manières. Beaucoup de fric et finalement assez peu de bonnes manières. Un film qui offre à la fois une peinture sociale, des moments d’une intense sensualité (merveilleuse Nola incarnée par Scarlett Johansson) et, sur les vingt dernières minutes un suspens policier aigu comme un crissement de craie sur un tableau noir. Noir comme la conclusion … Le lien pour le site officiel du film ici : http://www.tfmdistribution.com/matchpoint/
Merci M Allen. Je ne suis qu’une toute petite voix dans le concert des louanges qui a entouré ce film depuis le festival de Cannes jusqu’à Télérama. Mais je suis heureuse de le rejoindre. Vous avez beau être un vieux cabot insupportable, je continuerai d’aller voir vos films … J.D. 05/02/06
L’autre film, le petit lieutenant, est aux antipodes. Pas de papier glacé, mais le papier journal d’un canard populaire. Genre « le Parisien » et plus encore, ses pages de faits-divers. Il ne manque au « Petit lieutenant » que les odeurs : fonds de cendrier et bière éventée au commissariat. Clodos, métro et cellules de dégrisement. Et la sueur des flics. Qui planquent, qui picolent, qui rigolent ou qui dépriment. Nathalie Baye en commandant de P.J, est transcendante du fond de sa solitude. Le regard avec lequel elle vous cloue au dernier plan … Sa dépression, sur fond d’alcoolisme, est magnifiquement jouée. Le seul sourire qu’elle nous offre en est d’autant plus lumineux. Jalil Lespert en novice avide et curieux est parfait. Une mention pour « Solo » flic marocain : splendide Roschdy Zem à la présence impressionnante. Xavier Beauvois, le réalisateur (qui joue lui-même un p’tit flic minable, raciste et facho) a noué des liens d’amitié avec tout un tas de policiers dont il a partagé le vécu pendant les deux années de préparation du film. Il en a tiré un grain d’humanité qui nous mène bien loin des images pré formatées des séries télévision.
Ah j’oubliais ! Regardez l’affiche : le rouge dans le titre, ça pourrait bien être du sang …
Du bon, du très bon cinéma dans les deux cas. 27.11.05 C’est terrible : ma page d’humeur est en voie de se transformer en rubrique nécrologique.
A part le prénom, ces deux là n’avaient rien de commun. Le premier, côte Est et aventures de flics. Le second, côte Ouest et réalité taularde. Près de vingt ans en cumulé derrière les barreaux des pires prisons telle St Quentin ou même l’hôpital psychiatrique ont fait Ed Bunker. Marqué dès l’enfance, sauvé par l’écriture. Il aimait dire qu’il était resté le même, et c’était sans doute vrai. Bunker a mis un peu de
lui dans chacun de ses personnages qui évoluent sans exception dans une réalité
terrifiante. Il a pu y échapper parce qu’il avait un sacré talent d’écriture,
et qu’il avait trouvé la force de faire une œuvre littéraire de sa vie. Un tel
talent que James Ellroy le présente comme une de ses références (lui qui
prétend toujours ne pas lire …). Un talent qui s’est étendu à l’écriture de
scénario, et même à la comédie jouée, puisqu’il a quelques seconds rôles à son
actif. Il a donné lieu à des adaptations cinématographiques aussi
impressionnantes que « Animal Factory ». Ed Bunker, avec son écriture sèche comme un coup de poing, ne se lit pas impunément. Tout au long de « Plus féroces que des bêtes » j’ai été hantée par cette idée. Tout ça est vrai. Toute cette violence désespérée, cette absence d’avenir, ce fatalisme de la misère, tout ça est vrai. Autant que la forme romancée puisse l’être quand elle témoigne d’une réalité. Chapeau bas Mister Bunker. Votre voix ne chuchotait pas. Elle était rauque de toutes les saloperies bues, fumées, absorbées de toutes les façons, rauque aussi de toutes les injures crachées et de tous les coups pris. Pourtant elle n’était pas dénuée d’une certaine poésie. Votre cri ne s’éteint pas dans le noir où vous êtes entré. Je vais vous relire. Ce sera ma façon de vous dire au revoir.
Ed McBain (alias Evan Hunter) s’est éteint ce 7 juillet à l’âge de 78 ans. Rencontrée au cours de mes pérégrinations sur le net, cette triste nouvelle qui ne m’avait pas encore atteinte. (site « Noir comme Polar ») http://www.noircommepolar.com/f/index.php
"L'idée première, c'était de faire d'une brigade d'inspecteurs un héros collectif. Je voulais décrire avec précision la journée de travail des flics de grande ville et créer une demi-douzaine de personnages dont la personnalité et les traits de caractère variés formeraient, en se conjuguant, un héros unique. A ma connaissance, cela n'avait jamais été fait. Je pensais que cette idée me permettrait d'incorporer de nouveaux venus quand le besoin s'en ferait sentir, d'ajouter leurs qualités ou leurs défauts particuliers au mélange déjà existant, tout en me débarrassant de ceux qui ne me paraîtraient plus indispensables. Le héros, c'était la Brigade du 87e District." Il fut également scénariste pour de nombreux films, dont Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock et plusieurs épisodes de Columbo.
Un petit peu de pub ne peut pas faire de mal ! Je vous propose, comme ça, en toute simplicité, ce que l'excellent Pol'Art Noir pense de « Haines Hospitalières ». Il me fait l'honneur de me consacrer plusieurs pages de son site. Eh oui, je suis l'un des deux « auteurs du mois » choisis par Patrick Calmel. Interview, et tout, très pro ! D'ailleurs, je ne saurais trop vous recommander ce site très ludique, fourmillant de critiques, idées, discussions pleines d'humour ...
03/06/05
Muere lentamente quien no viaja ,quien no lee ... Il meurt lentement celui qui ne voyage pas, celui qui ne lit pas,
Je me demande même s’il est nécessaire que je vous commente ce choix. Ah ! Que j’aurai vécu selon Pablo Neruda ! Parmi toutes ces choses déraisonnables, combien en regretté-je ? Pas tant que ça, non, pas tant que ça ! Et parmi tous les choix du poète, ayant déjà fait ma propre sélection (les […]), je n’en retirerai plus aucun. 18/05/05
… Il avait enterré son père, des êtres chers et des rêves, il revenait de loin. Des bords de la falaise, où, penché vers le vide, on s’appuie sur un vent qui peut soudain ne plus soutenir. Il avait pris peur, reculé doucement et marché longtemps…]
J’ai rencontré cet écrivain. C’est un artisan des mots qui travaille sans tapage, sans forfanterie. Un homme étonnant, un timide à l’œil gourmand. Je n’ai pas osé lui demander s’il s’était penché au bord des falaises. Je n’aurais pas aimé pas qu’il me dise non 07/04/05
J’ADORE Westlake. Je sais, je vous l’ai déjà dit. Il a eu sa place tôt dans mes notices de lecture, mon panthéon personnel. En ce moment je lis « Smoke ». Ou comment un cambrioleur surpris en action chez deux médecins (des gays new-yorkais tordants, je le jure) est contraint de se prêter à une expérience qui va le rendre … invisible. Je vous accorde qu’il faut sans doute avoir gardé une âme d’enfant, se souvenir qu’on a rêvé d’être l’homme (la femme) invisible, la sorcière bien-aimée ou Superman. Mais si ce diable d’homme sait si bien vous entraîner sur les sentiers les plus loufoques, c’est que sa fantaisie est servie par un talent romanesque hors pair. Ses fins de chapitre, ses rebondissements sont millimétrés, dotés à chaque fois d’autant de force qu’un uppercut. La comparaison est d’ailleurs médiocre, car je connais peu de littérature de ce genre qui soit aussi peu violente. Humaine, chaleureuse avec des personnages dont on a immédiatement envie de se faire des amis. Merci, M’sieur Westlake d’exister. Car le monde est tristounet, nous faisant passer des promesses du printemps aux spéculations sur la sécheresse, puis glisser du réchauffement climatique aux affres sur la constitution européenne. Moi, ce soir, je vais voir « Le Couperet » d’après un roman de ?… Westlake. On parie que je vais passer un moment génial ?
22/03/05
Les statistiques sont formelles. Elles m’offrent un merveilleux voyage autour du monde : Turquie, Tunisie, Canada, Suisse, Royaume-Uni, Belgique, Suède, Pays-Bas, Togo, Etats-Unis et même, égarés sans doute : Chine, Hongkong, Corée. Free précise (du Sud). Heureusement si l’on songe que ce genre de voyage virtuel peut aussi occasionner bien des soucis. Certains ont laissé une trace, un mot léger capturé par la toile. D’autres ne sont que mystère. Qui était ce visiteur Coréen ? Sa fenêtre était-elle ouverte alors qu’il découvrait les pages de ce site ? Quels parfums entraient dans la pièce ? Quelles couleurs avait son paysage ? Peut-être, prosaïquement, a t-il découvert son erreur et aussitôt fermé ces utopiques et virtuelles fenêtres. Merci à vous tous qui faites exister ces textes. Sans lecteurs ils ne seraient que « lettres mortes ». 06.03.05
Ben voilà, c’est tout moi. Et en plus, quelle galère pour courir au seul cinéma parisien où il passe encore (le St Lambert). Oui, de l’Almodovar. Qui semble descendre plus que jamais au cœur du problème. Plus proche que jamais des plus insondables questions existentielles : l’amour, la mort, le sexe … La construction en abyme est vertigineuse, l’image superbe, l’intrigue si serrée qu’on n’y passe pas sans mal … Thriller, film d’amour ? Charge furieuse contre l’hypocrisie de l’église sur les abus sexuels dont furent victimes d’innombrables gamins, partout dans le monde et de tous temps ? Il y a de tout cela, mais bien plus encore un immense talent. Almodovar non seulement ne s’essouffle pas mais paraît plein de promesses. Ci dessous, le lien vers le site officiel du fil, pour voir, ou revoir, la bande annonce. http://www.lamauvaiseeducation-lefilm.com/ 13.02.05 Je n’ai PAS aimé les choristes. Na ! Quoi c’est un blasphème ? ! Je n’ai pas aimé l’enchaînement si prévisible. On sait d’avance ce qu’il y aura au plan suivant. Et puis ce monde sépia où il suffit de chanter pour tout repeindre en rose … Je me suis ennuyée. Et ne venez pas me dire que c’est pur snobisme. Car je sais au moins une chose de façon certaine. Certains gamins bousillés pourront chanter tant qu’on voudra. Ils seront tout aussi bousillés après. D’ailleurs, si j’étais vraiment très snob (et pas juste un petit peu…) je dirais que j’ai A-DO-RE « La Pianiste » de Elfriede Jelinek. Quoâ, un Prix Nobel de LITTERATURE tu voâs ! Eh bien, pas du tout ! J’ai trop lutté, bataillé contre cette écriture à la hargne trempée de haine, contre les personnages aux personnalités violentes, aux phrases interminables, sans dialogues, jamais. C’est terrifiant. Remarquable, mais terrifiant. Bon, j’avais dit : « C’est trop facile de paraître intelligent en critiquant ». Et voilà ! J’avais promis et je n’ai pas tenu. Il y a tant de bonheurs de lecture à côté. Lire, lire, lire. Fuir les images qui grésillent dans les obscurités domestiques. Déferlement marin, déferlante médiatique. Compassion obligatoire à tous les étages. Pour moi, l’odeur du riz qui cuit reste intimement mêlé à tant d’images de douceurs indonésiennes, de mer, de montagnes couvertes de jungles, de sourires. J’ai choisi de les garder. Je disais : blasphème. Y a t-il pire blasphème que ces images de larmes d’enfants en arrière plan de plateaux télé surgelés ? 26.01.05
Cette capacité à sauter dans son destin à pieds joints par amour, est-ce typiquement féminin ? Y en t-il encore beaucoup des jeunes filles prêtes à tout abandonner ou était-ce propre à cette époque où la liberté se découvrait encore ? Ces années-là, j’étais à peine plus jeune. J’étais prête de même, et j’ai suivi un chemin qui ressemble à ça. Qu’est-elle devenue cette jeune femme ? Et moi ? Que reste t-il de celle d’alors ? Les pages de ce site ? Oui, c’est ce qui s’en rapproche le plus. Le lien que je vous laisse vous conduira sur la page où on apprend tout sur tout du film. Mais moi, la subtile brume de mélancolie que j’en garde n’y est pas. 23.12.04 Retrouvé, dans un agenda d’une autre année, cette citation de Jules Supervielle (Les Chevaux du Temps): Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte J’hésite un peu toujours à les regarder boire Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif. Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse … Le souvenir de leur apparition dans mon univers : le choc. Un élève, un malheureux gamin prêt à quitter l’école sans maîtriser correctement les bases, m’avait trouvé et rapporté ce fragment poétique. Pendant longtemps, je l’ai recopié dans mon agenda, à l’affreuse petite page qui précède le défilé des jours à venir. Comme un rappel. Tempus fugit et carpe diem… Pensons-y en achetant nos nouvelles bonnes résolutions de l’année !! J. 13.12.2004
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